Conférence du professeur pierre Bernard
La marche de l'accouchement gémellaire - la mécanique obstétricale à l'heure des recommandations sur l'accouchement des jumeaux
Les grossesses gémellaires représentent 1.56 % des naissances à l'heure actuelle soit une augmentation de 80% depuis les années 70. Cela représente 1 grossesse sur 60.
Les techniques de procréation médicalement assistées (PMA) ont augmenté le nombre des grossesses gémellaires. Le risque étant l'accouchement prématuré dans le cas d'une grossesse gémellaire (43% des prématurés en France en 2003), on préfère aujourd'hui effectuer des implantations mono-embryonnaires.
Il est très difficile de faire des recommandations sur les grossesses et les accouchements gémellaires notamment à cause de la configuration spécifique des jumeaux pour chaque grossesse et le risque élevé de naissance prématurée.
Certains risques sont accrus en cas de grossesse gémellaire
- Risques non spécifiques
• (grande) Prématurité
• Pré-éclampsie
• maladie des membranes hyalines sur le 2ème jumeau (maladie respiratoire fatale)
• Retard de croissance intra utérin...
- Risques spécifiques
• risques funiculaires spécifiques
• mort in utero de l'un des jumeaux
• Syndrome transfuseur-transfusé
Le suivi en réseau est un impératif mais il s'agit d'un avis d'expert qui n'est donc systématiquement suivi. Ce qui est bien dommage car les risques d'accouchement prématuré et de problèmes pendant la grossesse sont multipliés par 8 par rapport à une grossesse unique.
La prophylaxie de l'accouchement prématuré par le repos est un souci que l'on doit avoir dans tous les cas. Il faudrait également que le suivi à partir du 6ème mois de grossesse ait lieu systématiquement sur le lieu prévu de naissance et que ce dernier soit un établissement en mesure de gérer une grossesse à risque (maternité de niveau 3). En effet, déplacer un nouveau-né dans les heures qui suivent sa naissance accroissent significativement les risques de décès.
Une prophylaxie désigne le processus actif ou passif ayant pour but de prévenir l'apparition ou la propagation d'une maladie.
Le suivi est très important pour déterminer correctement la chorionicité de la grossesse. Les risques sont différents selon cette chorionicité.
- Dans le cas d'une grossesse bi-choriale / bi-amniotique : c'est le sens des jumeaux qui déterminera l’accouchement.
- Dans le cas d'une grossesse mono-choriale / bi-amniotique : le risque de transfuseur-transfusé existe.
- Dans le cas mono / mono : le risque transfuseur-transfusé est très important. L'accouchement par voie basse est impossible à envisager.
Le syndrome transfuseur-transfusé est problématique. Il existe une réelle difficulté d'expulsion des jumeaux. Toutefois il représente seulement 1% des grossesses gémellaires.
En ce qui concerne le suivi pas échographies, il est nécessaire de préciser le type de grossesse gémellaire lors de la 1 ère échographie puisque le suivi et les accouchements seront différents selon la situation.
Il peut arriver que la chorionicité soit difficile à déterminer c'est pour cela qu'il est important de s'adresser rapidement à un échographiste spécialisé dans le diagnostic prénatal.
2. Lieu de l'accouchement et transferts
- Choisir un lieu équipé pour les grands prématurés : maternité de niveau 3
- Prématurité multipliée par 8 et 20% des 2èmes jumeaux présentent un retard intra-utérin
- Le taux de mortalité à la naissance atteint 34/1000 jumeaux
Il faut éviter les transferts de nouveaux nés et choisir le lieu de naissance pendant la grossesse, de préférence avant le début du 6ème mois. Il faut choisir le lieu en fonction de l'existence de risques spécifiques ou non.
Par ailleurs, il existe une recommandation du corps médical de grade A (la plus élevée) spécifiant que la présence de l'obstétricien-accoucheur spécialiste accompagné de plusieurs sages-femmes et de l’anesthésiste est indispensable dans le cas d'un accouchement gémellaire.
Il faut également des pédiatres présents, spécialisés en réanimation des prématurés. Un échographiste spécialiste en obstétrique est recommandée également en salle d'accouchement pour surveiller notamment la position du 2ème jumeau.
Une étude du Professeur Jean-Claude Pons et coll. sur les lieux de naissance montre que le moment du transfert se fait le plus souvent entre 26 et 31 SA. Dans tous les cas, il faut rester à proximité de la maternité de référence à partir de 26 SA. C'est un impératif (recommandation médicale de grade A) !
Dangers des transferts en urgence :
- Éloignement
- Les trajets en milieu urbain (embouteillages, accidents de la route...)
- Limites d'accueil des établissements
- Prise en charge par les pompiers et SAMU sont différentes. Les pompiers ne peuvent plus rien faire si la tension est inférieure à 9.
3. Accouchement des jumeaux
Qui sera le Premier ? Céphalique ou siège ? Que faire en cas d'accrochage des mentons ?
Par exemple, si le 2nd jumeau est transverse (en travers de l'utérus), il existe un risque accru de césarienne. Si le 1er est transverse alors la césarienne est systématique. D'où l'importance de la présence d'un échographiste spécialisé en obstétrique lors d'un accouchement gémellaire.
Il est recommandé fortement d'accepter une péridurale sachant qu'une aide à l'accouchement sera sans doute nécessaire : 38% des accouchements se font avec forceps pour le 1er jumeau et 20,6 % pour le 2ème. La ventouse est courante en cas de grande prématurité. Encore une fois, la présence d'un échographiste en obstétrique est nécessaire voire indispensable pour pouvoir guider l'accouchement et surtout si on utilise une ventouse car l'instrument est difficile à utiliser.
Il faut s'attendre à une épisiotomie pour une primipare (1er accouchement de la mère). Le problème de l'épisiotomie est la perte de sang de l'ordre de 250 cc.
Intervalle des naissances : Il existerait un lien entre le délai d'accouchement entre les jumeaux et le risque de césarienne sur le 2nd jumeau. Ce qui explique aujourd'hui l'existence de deux méthodes d'accouchement.
- 1ère méthode : respect de la physiologie
Il n'est pas indispensable de respecter un délai de moins de 15 minutes mais il faut surtout sécuriser J2 et bien maintenir la tête pour faciliter l'engagement dans le bassin. Par ailleurs, si elle n'a pas déjà eu lieu, il vaut mieux que la rupture de la poche des eaux de J2 soit faite entre deux contractions pour éviter une procidence du cordon (le liquide amniotique doit s'écouler lentement). Et le rythme fœtal sera surveillé pour évaluer s'il est nécessaire d'intervenir ou non.
La procidence du cordon, en obstétrique, est la descente du cordon ombilical avant le fœtus lors de l'accouchement.
- 2ème méthode : VPMI et grande extraction du siège sur le 2nd jumeau.
VMPI = Version par manœuvre interne
Il faut que l'équipe y soit très entraînée car elle cherche à réduire le délai de naissance de J2.
La VPMI GE serait à privilégier par rapport à la reprise de l'expulsion naturelle en cas d'engagement non céphalique car il y aurait alors moins de césariennes sur le deuxième jumeau.
Normalement, dans le cas d'une position transverse du 2ème jumeau, il vaut mieux éviter une VPME G car cette technique se fait à l'aveugle et est donc particulièrement délicate.
Si on doit la réaliser, il faut que les membranes soient intactes. Leur rupture sera alors artificielle. Et si la VPMI n'est pas suivie d une grande extraction il faut alors envisager une césarienne.
Pour la VPMI, il est impératif d'être en salle d'opération pour pouvoir effectuer une césarienne en cas d'échec.
A vrai dire, pour le 2ème jumeau, la recommandation d'un accouchement par voie basse souligne qu'il doit être effectué par un obstétricien habitué aux accouchements gémellaires par voie basse.
Les situations menant à une césarienne :
- le premier jumeau se présente en transverse
- Si grossesse mono-choriale / mono-amniotique
- Retard de croissance des jumeaux
- Placenta-prévia sévère
- Premier jumeau en siège chez une primipare (17% des primipares)
- Autres causes qui doivent être discutées avec la patiente
Attention, les césariennes en cours de travail représentent 11% des cas.
En cas de césarienne, la délivrance doit être artificielle pour éviter l’hémorragie car le risque y est plus élevé.